A peu près au moment où Moebius, Druillet, Dionnet et Farkas créé le mythique mag de science-fiction Métal Hurlant de part chez nous, de l’autre côté de la manche se créé un autre mythique mag de science-fiction : 2000 AD. Et celui-ci perdure toujours. Métal, plus psychédélique et 2000 AD, plus…bourrin. Pour preuve, le personnage le plus célèbre de l’écurie 2000 AD, c’est Judge Dredd : « I’m the law, tu t’es garé sur le trottoir, tu vas moisir 10 ans en isocube ». En fait, blague à part, je pense que les mondes futuristes décris dans 2000 AD sont beaucoup plus tough que ceux de Métal donc les personnages ont des comportements plus intransigeant, ce qui fait que ça semble plus bourrin au final. De là à dire que c’est parce que nos amis anglais étaient sous la coupe (le joug ?) de Margaret Thatcher, je ne sais pas. Mais si qualifier VGE de psychédélique, c’est n’importe quoi, qualifier Thatcher de bourrine, ça se défend.
Enfin bref, je ne suis pas encore remonté avant 2000 AD dans l’histoire du comics UK donc je ne saurais dire s’il y a eu un avant et un après. Cependant…c’est quand même pas mal 🙂
D’ailleurs une grande partie des auteurs UK partis aux States déclencher la Brit Invasion viennent ou sont passés par 2000 AD. Dans les années 90 ou même un peu avant, le comics US voit débarquer une pléiade d’auteurs UK qui vont se révéler être majeurs. Je pense, entre autres, à Alan « Watchmen » Moore, Grant « The Invisibles » Morrison et Garth « Preacher » Ennis (il ne me semble pas que Warren Ellis ai quelque chose avoir avec 2000 AD). Et des dessinateurs tels que Simon Bisley, Steve Dillon, Brian Bolland, Kevin O’neil et, sur le tard, Frank Quitely.
Un qui n’a pas percé aux US (à l’exception du génialissime Marshal Law, dont une intégrale tronquée des cross-overs vient de paraitre) est le subversif Pat Mills, créateur de 2000 AD. C’est un des auteurs phare de la revue (dans le premier numéro, 3 des 5 histoires sont scénarisés par lui). Mais ce dernier fait quand même sont petit bout de chemin chez nous (Requiem a l’air de pas mal marcher).
La production actuelle de 2000 AD ne m’emballe pas trop donc je vous conseillerai des trucs plus old-school comme on dit. Bon c’est forcement en VO vu que ça n’a jamais été édité chez nous mais 2000 AD sort des intégrales de ses séries sous le label Rebellion (de gros bouquins qui peuvent faire entre 300 et 400 pages). En fait, je crois que Rebellion, éditeur de jeux vidéos, a racheté 2000 AD tantôt. Et, malheureusement, d’après le libraire de BD Spirit, ce sont plus des marchands qu’autre chose.
Commençons par Strontium Dog, scénarisé par John Wagner puis Alan Grant puis d’autres et dessiné d’une main de maître par Carlos Ezquerra (qui deviendra un des habituels comparses de Garth Ennis aux US).
The Pitch : L’Homme est parti à la conquête de l’espace et s’est implanté sur d’innombrables planètes. De guerres nucléaires en guerres nucléaires, une partie de l’humanité a mutée. Ces mutants sont devenus des parias haïs par les génétiquement conformes. Pour les mutants : interdiction d’exercer un emploi donc, clochardisation généralisée. Jusqu’au jour où un type haut placé se retrouve confronté au problème : putain, les criminels, ils te saccagent une planète puis vont se planquer à l’autre bout de l’univers, peinardos. Donc il décide d’autoriser aux mutants le boulot de chasseurs de primes vu que personne ne veut le faire, la durée de vie dans un tel métier étant, quand même, vachement courte. Ainsi, les plus aguerris des mutants vont pouvoir se remettre à bosser. Parmi eux, Johnny Alpha dont la mutation est en fait un « super pouvoir » accompagné de Wulf, un norm (non-mutant), descendant viking, costaud, au grand cœur.
Les histoires sont pas mal mais ce que je préfère ce sont les dialogues (Wulf a un accent mortel) et les découpages/dessins (les histoires paraissaient périodiquement dans la revue et souvent l’ami Carlos se fendait d’une magnifique double page pour commencer). Johnny a aussi des armes « temporelles » sympathiques.
La série, commencée en 1978 dans le magazine Starlord (pour les 19 premiers épisodes), se poursuivra jusqu’en 1990. Puis sera reprise dans les années 2000.
Évidemment, ouvrir un bouquin de 400 pages en noir et blanc avec de temps en temps des mots bizarres (c’est pas de l’américain, c’est de l’anglais), ça peut en rebuter certains mais, in my opinion, ça vaut le coup pour qui aime la SF.
Ensuite, pour revenir à Pat Mills, je parlerai de Nemesis The Warlock, univers en interconnexion avec ses Atomic Bacterial Chemical Warriors. Donc Nemesis (intégrale sur trois gros livres) est scénarisé par Pat Mills et dessiné par Kevin O’Neil, Bryan Talbot, John Hicklenton et quelques autres.
Dans un monde futuriste (putain, c’est bizarre, encore de la SF), on a les terriens qui habitent sur Terre rebaptisée Termight et, autour, de l’extra-terrestre qui squatte les autres planètes. On ne sait pas trop pourquoi, Termight est dirigé par des religieux totalitaires qui parlent de pureté de la race terrienne et considère les extra-terrestres comme des abominations (leur slogan : « Be pure ! Be vigilant ! Behave !). Leur chef se nomme Torquemada (tiens, ça me dit un truc). Contre ça, la résistance s’organise sous l’égide de Nemesis, un extra-terrestre qui a une tronche…plutôt ridicule, il faut bien l’admettre, mais, enfin, c’est quand même un warlock : le mec est un sorcier.
Donc, c’est le combat entre Nemesis et ses potes, et, Torquemada et ses sbires.
Les dessins sont franchement biens et les histoires tiennent la route. Ici aussi, ça joue un peu avec le Temps (putain, le rascal, il s’est carapaté dans le passé !). Torquemada est le Mal manichéen mais Nemesis n’est pas exactement le Bien manichéen. Après avoir perdu sa compagne, il déteste les humains, même innocents. Bon voilà, demerden sie sich avec ça.
Revenons au mot bourrin cité plus haut. Je sais que ça a un côté péjoratif mais c’est le mot qui m’est venu à l’esprit. Peut-être un autre mot conviendrait mieux. Ceci étant dit, on remarquera que dans les deux séries que je viens de présenter on trouve des personnages historiques « bourrins » absents des comics US tels que Adolf Hitler ou Torquemada. A noter aussi que les deux séries ont un côté humoristique provenant de certains personnages secondaires (le Gronk de Strontium Dog et Raw-Jaw de Nemesis).
Extrait d’une interview de John Wagner à propos de la création de Judge Dredd: « This was back in the days of Dirty Harry, and with [Margaret] Thatcher on the rise there was a right-wing current in British politics which helped inspire Judge Dredd. He seemed to capture the mood of the age – he was a hero and a villain. »